Julien Herman, pâtissier aux petits oignons
Fini les horaires hachés de la cuisine. Au Mans, le chef Julien Herman a préféré créer une pâtisserie-salon de thé incluant une offre salée haut de gamme plutôt qu’un restaurant : une histoire de goût, de créativité et de rythme de travail.
Pour le pâtissier manceau Julien Herman, pas de dessert sans… fleur de sel. Un indispensable exhausteur naturel de saveurs. Tout comme les épices et les herbes fraîches, omniprésentes dans ses créations. L’estragon se marie ainsi au cassis et à la vanille dans un entremets à partager ; le basilic au citron et au yuzu sur une base de croustillant riz soufflé dans l’un de ses petits gâteaux best-seller.
Très peu sucrés, ses desserts font la part belle aux légumes et aux fruits, agrumes en tête, travaillés en mousses, en gels, confits… « J’aime leur peps ! Et l’acidité apporte de la fraîcheur et de la légèreté, appréciables en fin de repas. Rien ne vaut une touche d’orange pour relever du chocolat, par exemple », confie l’artisan, formé initialement à la cuisine.
Issu d’une famille de restaurateurs, il se rappelle « avoir passé du temps assis sur un plan de travail dès l’âge de cinq ans ». Adolescent, il se dirige naturellement vers l’univers salé, avant de bifurquer vers le sucré. Titulaire d’un BEP/bac pro cuisine et d’un CAP pâtissier, il enchaîne ensuite les postes polyvalents en restauration, dont le dernier en date chez un traiteur sarthois.
Une expérience qui lui permet de peaufiner son projet d’installation au Mans, et sa gamme de produits, « à mi-chemin entre les desserts boutique — facile à emporter — et à l’assiette, pour leur composition et leur esthétique ». Et de disséquer sa réflexion : « Je ne fais pas de dessins mais je pense en premier au visuel, en fonction de mon matériel — moules, emporte-pièces… — et du reste de la gamme ; le but étant d’avoir une dizaine de petits gâteaux avec chacun son identité, tant en termes de formes que de couleurs et de saveurs. »
Unique, chaque recette inclut un croustillant : fine pellicule de chocolat en topping ou en enrobage, praliné croustillant dans un paris-brest, meringue, tuile ou biscuit craquant. En ce début de printemps, un Gour’Mans chocolat-praliné cohabite ainsi avec un singulier dessert à l’orange et à la carotte (sarthoise), travaillées en mousse végétale, en gel et en pickles, associées à un granola noisette-châtaigne pour le croustillant. « Celui-ci est sans œuf, sans lactose, sans gluten, halal et à indice glycémique bas, sans être excluant pour un gourmand lambda », pointe le chef, qui a baptisé sa boutique Desserts par Julien Herman et non pâtisserie, en vue de refléter au mieux sa démarche créative.
Trois plats chauds
L’aménagement du lieu, un ancien restaurant dans une petite ruelle de l’hypercentre du Mans, relève du même dessein. « On a effectué des travaux pour en faire un lieu à notre image, avec du bois au sol, des peintures claires et des verrières afin de faire entrer la lumière », explique l’artisan, qui a porté un soin particulier à sa vitrine centrale, pièce maîtresse de la boutique mise en valeur par une belle hauteur sous plafond. « Je voulais un meuble très moderne, avec des reliefs et un plaquage sur-mesure, jusqu’au liseré bleu qui rappelle la couleur de la façade » : un parfait écrin pour ses entremets.
Pour autant, Desserts par Julien Herman ne se réduit pas à ces derniers. En complément, le pâtissier a développé une collection de viennoiseries maison au beurre Appellation d’Origine Protégée et aux œufs de Loué, classiques et plus originales (roulé citron-pavot, brioche feuilletée, etc.), ainsi que des gâteaux de voyage et des sachets de biscuits-confiseries (oursons en guimauve, nougats, etc.) en picking.
Côté salé, le pâtissier revend quelques pains et baguettes d’un artisan manceau : « Un produit d’appel », précise Julien Herman, qui utilise ces baguettes comme base pour sa courte gamme de quatre ou cinq sandwichs (dont un végane), avec de beaux produits et une garniture cuisinée. Idem pour ses trois plats chauds, fabriqués maison et signalés comme tel par le logo apposé sur l’étiquette en magasin. Chacun décline un univers (végétal, carné, produits de la mer) et les recettes changent toutes les semaines pour fidéliser sa clientèle du midi. Une offre haut de gamme proposée en formules (16,50 €), à emporter ou à consommer sur place dans la jolie salle de restauration en mezzanine, ou sur la terrasse aux beaux jours.
Lumineux et convivial, l’établissement fait aussi le plein à d’autres moments de la journée, notamment le samedi après-midi, pour une formule boisson-gâteau-confiserie “goûter du Gour’Mans” (9 €).
Au-delà du fait maison, la saisonnalité est primordiale, tout comme le choix d’un packaging écoresponsable et l’approvisionnement au plus proche, français dans la mesure du possible. En magasin, un tableau mentionne le nom de ses fournisseurs locaux (de miel, de boissons, etc.), également valorisés sur une étagère dédiée.
Champion régional du dessert
Cet engagement a un prix, plutôt élevé, sans pour autant amener à « dépasser le plafond fatidique des cinq-six euros l’entremets individuel ». Ce qui n’a pas empêché Julien Herman, auréolé d’un titre de champion régional du dessert 2022, de cartonner dès son ouverture en avril 2023. Avec jusqu’à 400 entremets individuels vendus le samedi, la vitrine de pâtisseries est vite à court de desserts, comme le comptoir de viennoiseries, dont la quantité est plafonnée par les capacités de production de la petite équipe et le stockage réduit du lieu.
Ce succès, au-delàdu prévisionnel, a conforté l’ex-cuisinier dans sa démarche et lui a permis de réduire les heures d’ouverture de sa boutique, avec une fermeture anticipée en fin de journée (18 heures en semaine, 17 h 30 le samedi). Un confort de vie appréciable après les horaires en coupure de la restauration.